Quelques
remarques critiques en marge du livre de Joakim
Oliveira, L’Islam dans le livre de l’Apocalypse
(Oasis 2014. Titre original : Islam in Bible prophecy)
Thèse de base du
livre : L’Islam est l’Antichrist.
Les preuves :
(entre crochets les renvois aux pages de son livre)
La bête que je
vis était semblable à un léopard, ses pattes étaient comme celles d’un ours et
sa gueule comme la gueule d’un lion. Le dragon lui donna sa puissance, son
trône et un grand pouvoir. Et (je vis) l’une de ses têtes comme frappée à mort,
mais sa blessure mortelle fut guérie. Remplie d’admiration, la terre entière
suivit la bête. … Elle séduit les habitants de la terre par les signes qu’il
lui fut donné d’opérer devant la bête, en disant aux habitants de la terre de
faire une image de la bête qui a été blessée par l’épée et qui a survécu. (Apocalypse 13.2,3,14)
Ce texte se référerait à la fin du califat et à sa résurgence.
Il n’y est pas question de l’empire romain, car les frontières comparées de
Babylone, Perse et Grèce dans les prophéties de Daniel ne correspondent qu’aux
frontières du Califat. Le 4e empire n’est donc pas Rome, car ses
frontières étaient plus à l’Ouest. L’empire de l’Antichrist sera centré sur la
Turquie et sera donc islamique. L’image de la Bête serait une idole installée sur
le mont du temple. [52ss]
A cela, l’auteur ajoute les affirmations
suivantes :
Edom et Moab représenteraient les Palestiniens. L’Antichrist
délivrera Edom et Moab. Il est donc un Musulman. Les terres palestiniennes et le
sud de la Jordanie se confondent, selon lui, avec la région d’Edom. Le texte
derrière cela est le suivant : Au
temps de la fin, le roi du sud se heurtera contre lui. Et le roi du nord fondra
sur lui comme une tempête, avec des chars, des cavaliers et de nombreux navires;
il s’avancera dans des terres, débordera comme un torrent et passera. Il avancera
dans le plus beau des pays; et beaucoup trébucheront, mais Edom, Moab et les
principaux des Ammonites échapperont de sa main. (Daniel 11.40,41) [44,50]
En effet,
comme vous avez bu sur ma montagne sainte, ainsi toutes les nations boiront
sans cesse, elles boiront, elles avaleront, et elles seront comme si elles
n’avaient jamais existé. (Abdias 1.16)
L’auteur en conclut (suivant la paraphrase « vous avez bu la coupe de l’orgie »,
Semeur) que cela se réfère au Dôme du Rocher qui se trouve sur le mont du
temple. [48]
En
Apocalypse 13.18 (Que celui qui a de
l’intelligence calcule le chiffre de la bête. Car c’est un chiffre d’homme, et
son chiffre est 666), pour le chiffre de la bête, il propose de suivre le
Sinaïticus et le Papyrus 115. Le mot 'chiffre' signifierait ici une multitude
(a-rythmos = qui ne peut être calculé, mais ce sens ne convient pas). Le ksi
grec (ξ) au milieu serait le signe d’Allah (il faut le coucher et lire avec une
barre au-dessus qui deviendrait une barre à droite, une fois couchée. Ce signe est
porté par les terroristes. Et qu’en est-il des autres lettres de ce chiffre (χξς) ?
L’auteur n’en parle pas. [69ss]
L’Antichrist
espère changer les temps, Daniel 7.25 (il
espérera changer les temps et la loi). L’auteur le compare à la tour de l’horloge
gigantesque construite à La Mecque. [81]
Sa
conclusion : bibliquement parlant, l’antimessie doit venir d’une région
qui doit inclure la Turquie, la Syrie, et l’Iraq. Autrement dit, il doit venir
d’un pays musulman (85). La Turquie est le trône de la bête (Pergame). [85]
2Thessaloniciens
2.4 (l’adversaire qui s’élève au-dessus
de tout ce qu’on appelle Dieu ou qu’on adore, et qui va jusqu’à s’asseoir dans
le temple de Dieu et se faire passer lui-même pour Dieu) ne parle pas du
temple, mais du sanctuaire (naos en Grec = sanctuaire islamique = la grande
pierre dans le Dôme du Rocher – lieu de l’arche de l’alliance. [87]
1Jean
2.22,23 (Qui est le menteur, sinon celui
qui nie que Jésus est le Christ ? Celui-là est l’antichrist, qui nie le
Père et le Fils. Quiconque nie le Fils n’a pas non plus le Père; celui qui
confesse le Fils a aussi le Père.), « confirme » que le prince du
mal doit venir d’un royaume islamique et doit être musulman. [94]
La
Bête gouvernerait depuis le Dôme du Rocher et détruira La Mecque (= Babylone).
Cette personne ne serait autre que le Mahdi = 2Thessaloniciens 2.3. Son image est un
croissant de lune (Apocalypse 13.15). Pour cette image qui parle, cf. les haut-parleurs
sur la mosquée. [102s]
En
Apocalypse 17.3, le mot désert devrait être pris au pied de la lettre et signifie
l’Arabie Saoudite [111]. La ville entourée de sept montagnes serait La Mecque,
même si l’une de ces montagnes se trouve à 32 km de la ville. [117] Et lequel
des lecteurs initiaux de l’Apocalypse aurait pu imaginer un sens pareil ?
Apocalypse
17.10 (Ce sont aussi sept rois :
cinq sont tombés, l’un existe, l’autre n’est pas encore venu, et quand il sera
venu, il doit rester peu de temps), parlerait des rois suivants : Egypte,
Assyrie, Babylone, Perse, Grèce-Turquie. Le 6me serait l’empire romain oriental
qui a détruit le temple par des légions composées d’Arabes, de Syriens et de
Turcs. [119] Sauf, bien sûr, que l’empire romain oriental n’existe pas au temps
de Jean …
L’ère
messianique devrait avoir lieu en l’an 6.000 du calendrier hébreu, ce qui équivaudrait
à 120 années de jubilé (120x50). [143] Nous sommes aujourd’hui en 5776 de ce
calendrier. L’auteur voudrait-il donc dire que l’ère messianique est encore éloigné
de 224 années ? Non. Il va reprendre un article qui situe l’ère messianique dès
2017 … En voici le schéma (qui ne se trouve pas ainsi dans le livre, mais qui
traduit fidèlement ce que cite l’auteur) :
Quelques commentaires :
Notons avec une certaine exaspération
l’absence de toute exégèse des textes. L’auteur cite beaucoup de textes bibliques, mais
en conclut des choses avec une grande fantaisie. Malgré l’apparence biblique,
il y a donc en fait un mépris de la Bible. On fait dire au texte ce qu’on veut.
Des détails de prophétie sont empilés, mais chaque
texte cité est mieux expliqué autrement. Sans
vraie connaissance des langues bibliques, il critique des traductions, tire des
conclusions non justifiées et défend avant tout ses propres idées. Ce n’est pas
ainsi qu’on doit lire et interpréter la Bible.
Sa citation à la
fin d’un article sur Judah ben Samuel est indicatif d’une certaine recherche du
spectaculaire. Malheureusement, il ne vérifie rien. Est-il prouvé que ces
textes existent et disent ce qu’on leur attribue ? Je n’ai pu trouver
aucune preuve extérieure des affirmations. Aucune.
L’auteur se
défait un peu facilement de la parole de Jésus (nous ne pouvons connaître ni
le jour, ni l’heure) : il serait donc quand même possible de savoir et le mois, et
l’année ! [143] Pourtant, il faut bien constater que la démangeaison de
connaître cette date est le propre des sectes et des faux docteurs. L’auteur
est d’ailleurs loin d’être le seul à s’aventurer sur ce terrain. Après 2017, reconnaîtra-t-il
son erreur et s’en repentira-t-il ? L’histoire ne nous encourage pas à nous
y attendre.
Le dos de la couverture (voir ci-dessus) fait une série d'affirmations assez énormes sur ce que l'auteur démontre dans son livre, en cherchant l'essence même du message de la Bible et en utilisant un esprit scientifique. Malheureusement, il ne réussit en aucune de ces affirmations. Du point de vue de la Bible - et de la science - son livre est une grande déception.
Finalement, la
vraie question reste probablement celle-ci : L’Antichrist peut-il être
compris comme un Musulman ? Non seulement, ce que cite l’auteur est en
général sans fondement, mais un Musulman, se fera-t-il appeler Dieu ?
Malgré ce qu’on affirme parfois (comme ici sur Erdoğan [1]),
permettez-moi d’en douter.
Il n’est guère
étonnant que l’avancée de l’Islam en notre temps provoque ce genre d’affirmations.
Ce fut le cas en d’autres moments de l’histoire. Une lecture plus équilibrée
des textes, et notamment de l’Apocalypse, nous aidera à résister à des
interprétations fantaisistes. Mais cela se fera seulement en acceptant de dire
qu’il y a des choses que l’on ne peut pas savoir. Notre époque n’encourage pas cela.
On veut tout savoir, on croit tout savoir et on sacrifie de larges pans de la
prophétie biblique, y compris du livre de l’Apocalypse, à l'envie de faire concorder
ses idées sur le présent et l’avenir avec ce qu’on prétend lire dans la Bible.
L’auteur de L’Islam dans le livre de
l’Apocalypse est tristement responsable de tels errements. Malheureusement,
cela ne fera que promouvoir les vues tout aussi peu fondées de l’amillénarisme.
Le résultat n'en sera qu'une croissance dans la confusion et un contentement de l’ignorance.
Cela n’est pas une bonne nouvelle.
[1] http://shoebat.com/2015/12/27/90032/. Un parlementaire de l’AKP aurait dit :
“Erdoğan est un chef qui réunit en
sa personne toutes les qualités d’Allah”.